Lancé l’année dernière, Domoplaies est un projet inter-régional pour la prise en charge de patients souffrant de plaies chroniques et complexes par télémédecine, financé en partie par l’ASIP Santé dans le cadre de l’appel à projets Télémédecine 1.
Il permet aux soignants prenant en charge le patient à domicile ou sur son lieu de vie, de solliciter le réseau de plaies et cicatrisation TELAP et de bénéficier d’un accompagnement par un professionnel d’un centre expert distant, en utilisant des tablettes tactiles qui leur permettront d’échanger commentaires, vidéos, photos de plaies. Ces tablettes leur sont fournies pour la durée de l’acte de télémédecine.
Un an après la mise en service du projet en Basse-Normandie, les consultations sont faites majoritairement au domicile et la tendance est en train de changer avec une demande de prise en EHPAD de plus en plus importante. Trois centres experts -CHU de Caen, CH d’Alencon et CH de Cherbourg- apportent leur expertise à distance.
A l'occasion de la conférence de presse organisée le 17 octobre sur le projet, Karine Hauchard, Responsable du projet au sein du GCS Télésanté Basse Normandie, dresse pour nous le bilan de cette première année d’expérimentation sur le terrain.
Le projet Domoplaies a été lancé sur le terrain il y a tout juste un an. Quel bilan tirez-vous aujourd’hui ?
Il faut souligner tout d’abord le très bon accueil du projet par les professionnels de santé : ils ressentent une amélioration de la prise en charge du patient, et dans certains cas une accélération de la cicatrisation des plaies, même si pour l’instant ce constat ne se base que sur un ressenti exprimé par les professionnels de santé. L’évaluation médico-économique du dispositif est en cours, les premiers résultats seront disponibles à partir du début de l’année 2015.
Deuxième effet bénéfique : l’information et la formation apportée aux infirmiers sur le terrain par le biais de ce dispositif. Domoplaies a permis aux professionnels de santé requérants (ndlr : c’est à dire le binôme infirmier à domicile - médecin traitant du patient) d’acquérir des compétences supplémentaires dans la prise en charge des plaies complexes.
En outre, ils se disent rassurés par le recours à ce groupe d’experts qui peut leur fournir une assistance en cas de besoin. De fait, parallèlement à la réalisation d’actes de télémédecine, le réseau constate une augmentation des demandes d’avis ponctuels par téléphone, et qui participent de la montée en compétence des infirmières requérantes.
En revanche, l’organisation et la logistique mise en place pour gérer les distributions de tablettes doit être optimisée. Aujourd’hui, lorsqu’une téléconsultation est organisée et planifiée, à la demande du tandem médecin traitant – infirmier à domicile, le réseau ouvre un dossier et délivre une tablette à l’infirmier à domicile qui servira pour le temps de l’acte de télémédecine. Ces tablettes, permettent notamment l’échange en visioconférence entre le patient et l’infirmière à ses côtés et l’expert du réseau Telap et l’envoi des photos des plaies. Cette logistique mise en place pour équiper les professionnels de terrain le temps de l’expérimentation est longue et complexe à gérer. A terme notre objectif vise à ce que les professionnels puissent utiliser leurs propres équipements.
C’est pourquoi, nous allons faire évoluer le dispositif et permettre un accès via les smartphones.
Sur la base de ce bilan, quelles sont les perspectives de développement du dispositif Domoplaies à court et moyen terme ?
La priorité dans les prochains mois va être de faire évoluer notre solution vers un accès depuis une application en mobilité sécurisée disponible sur smartphones et tablettes (Android et IOS), ce qui permettra d’élargir le cercle des professionnels de santé utilisateurs.
Un autre axe prioritaire est l’évaluation médico-économique que nous menons et qui vise à apporter des indicateurs cliniques, de satisfaction des patients et des professionnels de santé en vue d’une généralisation du dispositif et son extension vers de la dermatologie au sens large. Cette évaluation conditionnera les prochaines étapes et le calendrier de développement du projet Domoplaies à moyen terme.
Enfin, la formation est un autre axe important de développement. Anne Dompmartin, présidente du réseau TELAP (Télémédecine Appliquée Aux Plaies) sur lequel s’appuie Domoplaies, travaille actuellement avec l’université de Caen à la création d’un Diplôme d’Université (DU) en suivi des plaies chroniques, afin de faire monter en compétence les professionnels de santé sur ce sujet. Cette initiative s’inspire de ce qu’a déjà réalisé le réseau plaies et cicatrisation Cicat LR en Languedoc Roussillon, avec qui nous avons co-construit le projet DOMOPLAIES.
Il y a plusieurs autres projets de télémédecine en cours en Basse Normandie. Le déploiement de Domoplaies a-t-il contribué à insuffler une dynamique pour fédérer les autres acteurs dans la région ?
Oui. Effectivement, d’autres activités de télémédecine existaient déjà depuis plusieurs années, notamment le projet SCAD de suivi de patients insuffisants cardiaques depuis 2006 ou bien encore les demandes d’avis à distance en Neurochirurgie déployé sur l’ensemble de la région depuis 2010.
Le dispositif technique mis en œuvre pour le projet Domoplaies permet non seulement de prendre en charge le suivi de plaies mais également d’apporter un socle technique mutualisé, utilisé pour le développement de projets de télémédecine dans d’autres domaines. Les premières consultations de TéléAVC ont débuté le 15 septembre 2014.
Ces différents projets qui ont permis de lancer une dynamique fédératrice incluant les établissements publics privés du secteur sanitaire et médico-social ainsi que les professionnels libéraux Bas-Normands s’appuient également sur des instances régionales : le Comité stratégique et l’Instance de Concertation Clinique sont réunis chaque trimestre par l’Agence régionale de santé (ARS) de Basse Normandie. Ils regroupent tous les décideurs de santé et effectuent les arbitrages pour le déploiement de chaque nouveau projet de télémédecine qui émerge dans la région. Le GCS Télésanté Basse Normandie est ensuite missionné pour porter et déployer les projets qui ont reçu un avis favorable.
Domoplaies poursuit-il son déploiement vers les EHPAD ?
Cela fait effectivement partie des évolutions actuelles. Si à l’origine l’enjeu du projet était d’amener l’expertise médicale des plaies au domicile du patient, on s’est rendu compte que les Ehpads étaient également très demandeurs car ils rencontrent les mêmes difficultés dans le traitement des plaies.
Nous avons donc décidé d’inclure les Ehpads dans le dispositif, aujourd’hui, plus de 60% des patients suivis résident dans ces établissements et nous avons la perspective d’un nouveau projet de téléconsultation multipathologies qui sera lancé début 2015.
- Le projet Domoplaies sur le site du GCS Télésanté Basse Normandie
- "1ers retours d'expérience à 6 mois" présentation du projet Domoplaies lors des Rencontres Interrégionales du 10 avril 2014
- Le site web du réseau Telap
ASIP SANTE, le 21/10/2014